Quels pays sont considérés comme des paradis fiscaux ?

Pas d’unanimité sur les territoires qui sont des paradis fiscaux

Chaque État ou organisation a ses propres critères d’évaluation

Un citoyen espagnol ouvre un compte aux îles Caïmans sur lequel il verse l’argent qu’il reçoit en raison de son activité professionnelle dans son pays d’origine. Si le Gouvernement espagnol souhaitait obtenir des informations sur ce compte bancaire, il n’obtiendrait rien, puisque le secret bancaire s’applique sur ce territoire. Il s’agirait d’une représentation de ce qu’est un paradis fiscal, qui peut être défini comme un pays, un État ou un territoire où les niveaux d’imposition sont faibles ou inexistants et où les opérateurs économiques bénéficient de l’anonymat assuré par le secret bancaire, commercial et professionnel.

Dans ces paradis fiscaux sont généralement domiciliés soi-disant sociétés offshore constituées par des non-résidents et exemptés du paiement d’impôts qui bénéficient de lois strictes sur la vie privée ou le secret bancaire, ils sont donc également qualifiés d’opaques.

En plus d’offrir un régime fiscal particulièrement avantageux en évitant le paiement d’impôts dans leurs pays respectifs, les formalités pour la création de ce type de société sont très souples et faciles.

Listes des paradis fiscaux

Il n’existe pas de liste unifiée des paradis fiscaux car chaque pays ou organisation applique ses propres critères d’évaluation. La classification la plus connue est celle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Selon l’OCDE, il existe quatre caractéristiques clés pour déterminer si un territoire peut être considéré comme un paradis fiscal :

– La première est de savoir si la juridiction n’impose pas d’impôts ou n’impose que des impôts nominaux (fictifs ou inefficaces), tout en reconnaissant que ce critère de non-imposition ou d’imposition nominale n’est pas suffisant en soi pour qualifier un territoire de paradis fiscal. L’OCDE reconnaît que chaque juridiction a le droit de déterminer si elle impose des impôts directs et, le cas échéant, de déterminer le type d’impôt qu’elle juge approprié. Selon cet organisme, les trois autres facteurs doivent être analysés pour déterminer si une juridiction est ou non un paradis fiscal.
– S’il y a un manque de transparence.
– S’il existe des lois ou des pratiques administratives qui empêchent l’échange efficace de renseignements à des fins fiscales avec d’autres gouvernements sur les contribuables bénéficiaires des impôts inexistants ou nominaux.
– Si le développement d’une activité efficace sur le territoire n’est pas nécessaire.

La liste des pays ou territoires considérés par l’Espagne comme des paradis fiscaux en l’absence de réglementation qui les détermine est celle prévue à l’article 1er du décret royal 1080/1991, du 5 juillet, à l’exclusion des dispositions de l’article 2 du même décret. Selon ce dernier article, si ces pays ou territoires signent avec l’Espagne un accord d’échange de renseignements en matière fiscale ou un accord de double imposition comportant une clause d’échange de renseignements, ils ne seront plus considérés comme des paradis fiscaux au moment de leur entrée en vigueur.

Cette liste peut également être mise à jour en vertu du paragraphe 2 de la première disposition additionnelle de la loi 36/2006 du 29 novembre 2006 relative aux mesures de prévention de la fraude fiscale, de sorte que certains pays entrent ou sortent de cette « liste noire » selon les critères suivants :

a) L’existence avec ce pays ou territoire d’une convention internationale tendant à éviter la double imposition comportant une clause d’échange de renseignements, d’un accord d’échange de renseignements fiscaux ou de la convention OCDE/Conseil de l’Europe d’assistance administrative mutuelle en matière fiscale telle que modifiée par le protocole de 2010, le cas échéant.
b) il n’y a pas d’échange effectif de renseignements fiscaux aux termes du paragraphe 4 de la présente disposition additionnelle.
c) Les résultats des examens collégiaux effectués par le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales.

 

En décembre 2016, Oxfam Intermon a publié la liste des pires paradis fiscaux du monde, par ordre d’importance : Bermudes, îles Caïmanes, Pays-Bas, Suisse, Singapour, Irlande, Luxembourg, Curaçao, Hong Kong, Chypre, Bahamas, Jersey, Barbade, Maurice et îles Vierges britanniques. Quatre des territoires identifiés (îles Caïmanes, Jersey, Bermudes et îles Vierges britanniques) sont également sous la responsabilité du Royaume-Uni, qui n’est toutefois pas inscrit sur la Liste. Il s’ensuit que les paradis fiscaux ne peuvent donc pas être considérés comme des territoires éloignés, certains d’entre eux comme le Luxembourg ou l’Irlande étant au cœur de l’Union européenne et ayant été impliqués dans des scandales fiscaux. En fait, l’Irlande a fait la une de la presse internationale lorsqu’un accord fiscal a été découvert entre l’État irlandais et Apple qui a permis au géant de la technologie de payer pendant des années un taux d’imposition effectif de 0,005% sur l’impôt sur les sociétés dans le pays. En outre, les îles Vierges britanniques abritent plus de la moitié des 200 000 sociétés offshore créées par Mossack Fonseca, le cabinet d’avocats à l’origine du scandale du papier au Panama.

Toutefois, seuls trois de ces territoires (îles Bermudes, îles Vierges britanniques et Maurice) figurent encore sur la liste officielle des paradis fiscaux de l’Espagne. Les autres territoires n’y sont jamais allés, comme la Suisse, ou sont partis en signant un accord d’échange de renseignements fiscaux qui n’a pas toujours été efficace. Par ailleurs, près de la moitié des filiales des sociétés IBEX35 implantées dans des paradis fiscaux ont également choisi de se situer dans l’un de ces 15 territoires les plus agressifs sur le plan fiscal. Il est donc clair que la législation espagnole pourrait être insuffisante en matière de lutte contre les paradis fiscaux.
Union européenne

Pour sa part, Bruxelles a estimé que les caisses publiques européennes cessent de recevoir entre 50.000 et 70.000 millions d’euros par an en raison de la fraude fiscale. En conséquence, elle a élaboré un ensemble de mesures qui comprenait la mise à jour de la liste noire des pays que l’Union européenne considère comme des paradis fiscaux, ce qui signifie que les personnes physiques et morales des pays figurant sur cette liste sont soumises à des contrôles plus stricts que d’habitude lorsqu’elles exercent leurs activités dans l’UE. Cette liste n’a pas encore de version définitive puisque, en janvier dernier, le Parlement européen l’a renvoyée à la Commission parce qu’il estimait qu’elle ne comprenait pas tous les territoires qui facilitent la commission de délits fiscaux. La liste de la Commission contenait onze pays, dont l’Afghanistan, l’Irak, la Bosnie-Herzégovine et la Syrie, pour leurs lacunes dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

L’une des avancées de l’Union européenne en la matière est intervenue fin 2014 avec la signature de l’accord visant à renforcer la lutte contre la fraude fiscale, à mettre fin à l’opacité et à promouvoir la transparence bancaire, le Luxembourg et l’Autriche ayant cédé et levé le secret bancaire. Cet accord, qui marque la fin du secret bancaire dans l’Union, est applicable à partir de 2017.

C’est pourquoi la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen a publié lundi 27 mars une proposition de réforme de la directive contre l’évasion fiscale (2016/1164), en ce qui concerne les asymétries hybrides avec des pays tiers dans le but de lutter contre l’évasion fiscale des grandes entreprises, qui profitent des différences (asymétries hybrides) qui existent entre les systèmes fiscaux des États membres de l’UE et des pays tiers pour éviter de payer des impôts.

Comment l’existence de paradis fiscaux affecte-t-elle l’économie ?

En ce qui concerne ses conséquences économiques, Oxfam Intermon, dans son récent rapport intitulé « Une économie à 99% » a dénoncé que l’Espagne a cessé de recevoir environ 1 550 millions d’euros suite à l’activité canalisée par les 15 paradis fiscaux les plus agressifs du monde, ce qui représente 58% du déficit du fonds de pension en 2017. Dans le même ordre d’idées, dans le rapport « Une économie au service de 1% » publié un an plus tôt, il met en garde contre le fait que les paradis fiscaux dans le monde cachent 7,6 billions de dollars de fortunes individuelles, un montant supérieur au PIB du Royaume-Uni et de l’Allemagne réunis.

 

Dans les deux rapports, l’entité souligne que les paradis fiscaux ne sont qu’une partie du problème, en raison de leur existence, les pays du monde entier réduisent la taxation qu’ils appliquent aux grandes entreprises dans une « concurrence » pour attirer davantage d’investissements. En effet, comme ils l’indiquent, à la suite de la réduction de la fiscalité des entreprises,  » les gouvernements tentent d’équilibrer leurs comptes en réduisant les dépenses publiques ou en augmentant les impôts tels que la TVA, qui touchent principalement les pauvres « .