
Cesser de fumer fait grossir, c’est un fait bien connu. Mais il y avait beaucoup d’incertitudes quant au poids que vous prenez après avoir cessé de fumer. Une analyse de 62 études sur le sujet publiée dans le prestigieux British Medical Journal jette un peu de lumière et conclut qu’en moyenne, un an après avoir cessé de fumer, le gain de poids est de 4,7 kilos. Ce qui importe, c’est que ce chiffre est bien supérieur au chiffre de 2,9, qu’une étude similaire a conclu il y a 20 ans. Néanmoins, le journal comprend un éditorial dans lequel il conclut que les avantages de cesser de fumer l’emportent de loin sur la légère surcharge pondérale liée à l’abandon du tabac.
Lorsque vous cessez de fumer, vous obtenez de la graisse de deux facteurs
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La première est que la nicotine a un certain effet anorexigène, elle satisfait l’appétit
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La deuxième a trait à l’habitude de remplacer la cigarette par quelque chose à grignoter
Comme le soulignent les auteurs de l’étude, » le gain de poids est important parce qu’il s’agit d’une préoccupation répandue chez les fumeurs et qu’il peut les dissuader d’essayer. Par conséquent, après avoir analysé 62 études qui, à différentes fins, ont suivi des ex-fumeurs pendant un an, nous avons conclu que le premier mois, la moyenne d’engraissement est de 1,12 kilos, le deuxième de 2,26 kilos, 2,85 au troisième, 4,23 à six mois et 4,67 à l’année de l’abandon. C’est la moyenne parce qu’il y a des variations importantes, puisqu’entre 16% et 21% ont perdu du poids par an et 13% de ceux qui ont arrêté de fumer ont pris plus de 10 kilos.
L’étude a été menée par le Français Henri-Jean Aubin, professeur de psychiatrie et expert en toxicomanie. Il explique au téléphone qu’il n’est pas tant surpris par ce qui grossit que par la variation au fil des mois : » Il grossit d’abord avant tout. Et c’est important à savoir car si une femme très inquiète de sa silhouette arrête de fumer et prend un kilo le premier mois, elle peut décider de ne pas continuer afin de ne pas prendre 12 kilos en un an. Mais tu dois lui dire qu’il arrête de grossir bientôt. »
Les données sont très pertinentes parce que, selon les études précédentes citées dans l’analyse, les fumeurs désireux d’arrêter de fumer disent qu’ils considèrent qu’il est tolérable de gagner en moyenne 2,3 kilos.
L’étude n’explore pas la différence selon le sexe, mais Aubin explique que le gain est légèrement plus élevé chez les femmes. Un autre aspect clé qu’il souligne est qu’il y a d’énormes variations dans la réponse : « On ne peut pas prédire. Celui qui le quitte peut penser qu’il fera partie des 20% qui perdront même du poids ». De plus, il ne faut pas oublier que ceux qui ne fument pas prennent également du poids avec l’âge (0,3 kilos par an en moyenne), de sorte que cesser de fumer est souvent un déclencheur.
Pour qu’il n’y ait aucun doute sur les avantages d’arrêter de fumer, Aubin lance un plaidoyer contre le tabagisme : » Arrêter de fumer est la meilleure décision qu’une personne puisse prendre, même si elle est très préoccupée par sa silhouette. Une personne de 40 ans qui part aujourd’hui gagnera neuf ans d’espérance de vie. Le tabagisme est la principale cause évitable de décès dans le monde.
Esteve Fernandez, spécialiste du tabagisme à l’Institut catalan d’oncologie, souligne que l’étude est bien faite et que ce type de méta-analyse est pertinent. Mais il ajoute : « L’étude est quelque peu biaisée, comme le fait qu’elle est basée sur des fumeurs qui sont venus pour des consultations ou pour participer à des essais cliniques. Il est probable qu’il s’agit de plus gros fumeurs et de ceux qui ont plus de difficulté à cesser de fumer. Donc, dans d’autres cas, le chiffre serait inférieur.
Aubin admet que le doute existe mais considère que le nombre d’études est suffisamment important pour le considérer comme représentatif. En fait, il prétend qu’il a entrepris l’examen scientifique convaincu que le gain de poids était supérieur aux trois kilos établis il y a 20 ans. Ce pour quoi il n’a pas de réponse, c’est de connaître l’évolution après cette année-là.
Fernandez signe un article d’opinion dans le magazine avec l’épidémiologiste australien Simon Chapman dans lequel ils expriment la crainte que cette étude dissuade les fumeurs d’essayer d’arrêter de fumer : « Il pourrait être malavisé d’intégrer ce message dans les pratiques sanitaires. Les données ont été extraites d’essais cliniques et non du monde réel. Et ils concluent : » Bien que l’obésité soit associée à une augmentation de la mortalité, les études de cohortes indiquent qu’un léger gain de poids n’augmente pas le risque de décès.
Esteve dit au téléphone qu’on ne peut pas mélanger le gain de poids après avoir arrêté de fumer avec le problème de l’obésité. « Gagner cinq kilos n’est pas un problème de santé et un non-fumeur grossit aussi. »